Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CHRONIQUE MECANIQUE

CHRONIQUE MECANIQUE

L'oeil critique de Jean Vacances sur le cinéma - Retrouvez également la page Facebook du blog : www.facebook.com/ChroniqueMecanique


THE KILLER INSIDE ME

Publié le 14 Août 2010, 08:11am

Catégories : #THE KILLER INSIDE ME


Un film de Michael WINTERBOTTOM
Drame/Thriller - Etats-Unis - Couleur - 1h50
Sortie française le 11 août 2010
Scénario de Michael Winterbottom et John Curran
Produit par Andrew Eaton, Chris Hanley, Bradford L. Schlei et Susan Kirr
INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS

De quoi ça parle ?
Dans une petite bourgade du Texas, au début des années 50. Lou Ford, l'adjoint du shérif local, est un jeune homme apparemment bien sous tout rapport. Mais en réalité, il cache sous ses airs de bon garçon beaucoup de haine et de frustration envers les femmes, ainsi qu'un tempérament extrêmement violent. Bientôt, Lou tombe amoureux de Joyce, une jeune et belle prostituée, et s'embarque dans une étrange affaire. Et la police commence à soupçonner certaines de ses activités nuisibles...

C'est avec qui ?
CASEY AFFLECK > Lou Ford - KATE HUDSON > Amy Stanton - JESSICA ALBA > Joyce Lakeland - ELIAS KOTEAS > Joe Rothman - SIMON BAKER > Howard Hendricks - NED BEATTY > Chester Conway - TOM BOWER > Le shérif Bob Maples - BILL PULLMAN > Billy Boy Walker



 
Et ça donne quoi ?
Un film d’époque (« Jude » avec Kate Winslet). Un film érotico-musical (l’étonnant « 9 songs »). Un docu-fiction choc (« The road to Guantanamo »). Une comédie (« Tournage dans un jardin anglais »). Ou encore un drame (« Un cœur invaincu » avec Angelina Jolie). Le britannique Michael Winterbottom aime toucher à tous les genres. Il nous revient avec un film noir, un vrai, froid, sulfureux et ambigu, ambiance old school. Porté à l’écran par de remarquables interprétations, notamment Casey Affleck, parfait, « The killer inside me » a vraiment (presque) tout d’une bonne claque.

On va commencer en tordant le cou à une rumeur, qui s’est légèrement répandue avant que le film ne sorte : « The killer inside me » n’a absolument rien à voir avec « Dexter », et inversement. Que les choses soient claires pour ceux qui penseraient y voir un produit dérivé, surfant sur la vague du succès de la série TV, il n’en est rien. Ici, notre tueur est adjoint au shérif d’une petite ville, et pas expert médico-légal dans l’immense commissariat de Miami, et lui ne choisi pas ses victimes afin de rendre une certaine justice, il tue – principalement des femmes, avec lesquelles il a un gros problème – poussé par d’incontrôlables instincts meurtriers. Surtout, il n’a rien du serial-killer méthodique. On peut dire que le seul point commun qu’il a avec Michael C. Hall, est la bonne tête du gendre idéal, poli, serviable, pas méchant pour deux ronds. Pour en finir avec les comparaisons, même ce qui se passe dans leur tête est bien différent. C’est d’ailleurs à l’intérieur du crâne gravement torturé de ce petit flic de campagne que Michael Winterbottom nous plonge âprement. Une vertigineuse immersion dans le subconscient d’un homme pervers, imprévisible et froid, magistralement campé par Casey Affleck. C’est notamment grâce à lui que ce film bien barré vaut le coup d’œil, son jeu d’acteur réglé comme du papier à musique transcende vraiment le tout. Avec sa gueule d’ange et ses bonnes manières, il incarne idéalement le bon gars, bien sous tout rapport. Le tour de force consiste ici à donner vie à l’entité maléfique de ce même personnage avec une force égale, voir même supérieure. Et c’est totalement réussi, puisque avec sa voix basse et lente, son petit regard mesquin et ses airs arrogants que rien ne peut perturber, le petit frère de Ben Affleck nous offre également une facette bien cruelle de son Lou Ford. Le genre de gars instable et sévèrement dérangé, fourbe et manipulateur, qui n’agit qu’en suivant bestialement ses plus bas instincts, pouvant aussi bien couvrir une femme de baisers et de mots doux le matin, et la tabasser à mort le soir même, sans éprouver la moindre petite once de remord. Pris dans une interminable spirale de violence et de mensonges de plus en plus difficile à dissimuler, il sent le piège se refermer progressivement sur lui. A ses côtés, les seconds rôles sont épatants (citons juste la sublime Jessica Alba, ou les excellents Elias Koteas, un des meilleurs seconds rôles américains, et Simon Baker, vu dans la série TV « The mentalist »). Mais Winterbottom ne traite pas ici que de la psychologie de son anti-héros. Si il se livre avec grand soin à l’étude des méandres nébuleux de l’esprit tordu de ce psychopathe, tout en évitant de donner des explications ou de dresser un portrait style "pourquoi je suis un méchant qui fait du mal", il tente par la même occasion de dresser une critique sociale de l’Amérique des années 50. Ultra-moraliste et puritaine au possible en façade, cette époque d’après-guerre est également marquée par une violence exacerbée et une corruption ambiante, qui la ronge de l’intérieur. Exactement à l’image de notre shérif-adjoint, comme si la société dans laquelle il vit avait déteint sur lui… La reconstitution d’époque est minutieuse, l’ambiance rétro bien retranscrite, le tout accompagné par une image au grain appliqué, quelque peu passée, une narration très nerveuse, et une bande-son qui colle à merveille au sujet. Sans oublier le générique d’ouverture qui met tout de suite dans le bain. L’histoire, ténébreuse comme une rude nuit d’hiver, souvent teinté d’érotisme, est violente, parfois dérangeante, mais sans verser dans la complaisance. On ne choque pas juste pour jouer la fausse carte de la provoc’ inutile. Malheureusement, cette œuvre ambitieuse et pour le moins étrange, omet quelques détails qui font un peu grincer la belle machine, l’empêchant de pouvoir être assimiler à un VRAI grand film. Notamment dans la première partie, un brin de confusion se mêle à une histoire un peu complexe, et on peut regretter que Winterbottom ai préféré se concentrer à fond sur ses acteurs, soigné ses plans sur leur visage et expressions, au détriment de porter plus d’attention à son récit. Le second acte est bien meilleur, plus intense, l’odeur de souffre n’en finissant pas d’augmenter. Et la peinture du contexte de l’époque, qui s’attaque à dénoncer trop de choses, ne parvient pas à développer tous ses thèmes avec aboutissement. On pourra aussi regretter la pudeur contractuelle de Jessica Alba. Mais rien n’est vraiment rédhibitoire, et il serait très sévère, voir injuste, de dénoter ce long-métrage pour cela.
Loin d’être le film de serial-killer typique où l’enquête policière est mise en avant, « The killer inside me » est avant tout un polar bien sombre et glacial, qui ne nous fait aucune concession, et dont le réalisme, prenant, désarçonnant, est à saluer. Une chose est sûre, tout le monde n’aimera pas cette production indépendante pourtant pleine de classe, certains seront même dérouté par son climat délétère. Mais si vous aimez le genre de films qui vous offre ce qu’ils ont de plus serré, alors je vous le recommande vivement.



Quelques trucs à savoir sur le film pour se la péter en société
* « The killer inside me » est le 19ème film mis en scène par l’anglais Michael Winterbottom. Né en 1961, ce metteur en scène expérimenté n’est pas du genre à s’offrir de longues périodes d’inactivité ou mettre des années à monter un projet. La preuve, ses 19 longs-métrages, additionnés à plusieurs documentaires, ont été réalisés en à peine plus de 20 ans de carrière !

* Ce film est adapté d’un roman du même nom de Jim Thompson, paru en 1952, et sorti en France sous le titre « Le démon dans ma peau ». Au moment de sa parution, il avait choqué le monde littéraire, avant de devenir une véritable référence du genre. Cet écrivain américain, né en 1906 et décédé 71 ans plus tard, est l’auteur de nombreux ouvrages noirs et de polars, dont plusieurs ont déjà fait l’objet d’une adaptation au cinéma, et ce même jusqu’en France, puisqu’en 1979, Alain Corneau signe « Série noire » avec Patrick Dewaere, d’après son livre « Des cliques et des cloaques » (A hell of a woman), et deux ans après, c’est au tour de Bertrand Tavernier d’adapter une de ses histoires, « 1275 âmes » (Population 1275), avec le film « Coup de torchon ». Thompson a également officié en tant que scénariste à Hollywood, notamment deux fois pour le Grand Stanley Kubrick, avec qui il co-signa les scripts de « L’ultime razzia » et des « Sentiers de la gloire ».

* Ce roman a déjà était transposé sur grand écran par Burt Kennedy en 1976, et baptisé « Ordure de flic » lors de sa sortie hexagonale. C’est Stacy Keach (« American history X », la série TV « Prison break ») qui tenait le rôle de Lou Ford. Mais, pas franchement réussi, le film fut un véritable échec, aussi bien critique que commercial. D’ailleurs, Winterbottom n’a jamais voulu le visionner, son but n'étant pas de faire un remake mais bien une nouvelle adaptation du bouquin.

* Décidément très apprécié par le petit monde du septième art, ce même livre de Thompson devait être en premier lieu adapter par le réalisateur australien Andrew Dominik, qui avait commencé à travailler sur le projet. Mais il s’en désintéressa finalement pour tourner le splendide western « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », également avec Casey Affleck, mais aussi Brad Pitt. On sait aussi qu’avant de confier le rôle principal à ce même Casey Affleck, Michael Winterbottom avait auditionné son jeune compatriote Sam Riley, remarqué pour sa superbe interprétation du chanteur Ian Curtis dans « Control », et qu’il avait déjà dirigé dans « 24 hours party people » en 2002.

* A l’origine, Jessica Alba devait interpréter Amy, rôle finalement tenu par Kate Hudson. C’est elle-même qui a souhaitée s’en délaisser, afin d’indiquer au réalisateur sa préférence pour le personnage de Joyce. Elle a déclarée n’avoir encore jamais jouée de « bad girl » avant ce film, et c’est ce qui l’attirais ici.

* Casey Affleck et Kate Hudson partagent l’affiche ensemble pour la troisième fois de leur carrière, après deux comédies dramatiques indépendantes, « Desert blue » en 1998, et « 200 cigarettes » l’année suivante.

* « The killer inside me » a été présenté en compétition officielle au festival de Sundance en 2010, LE festival international du film indépendant. Lors de la projection, une partie du public s’est dit choqué, notamment par deux scènes de violence assez crue, pendant que certaines mauvaises langues taxées injustement le film de misogyne…La même année, il a également concouru lors du très important festival international du film de Berlin, et a remporté le prix de la critique lors du festival du film policier de Beaune (qui se déroulait auparavant à Cognac).

Voir la bande-annonce



Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Encore une fois une trés belle et interessante critique!<br /> Ayant vu ce film, mon point de vue est similaire au votre Mr Guignol!<br /> <br /> Un réel plaisir de vous lire ...
Répondre

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents