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CHRONIQUE MECANIQUE

CHRONIQUE MECANIQUE

L'oeil critique de Jean Vacances sur le cinéma - Retrouvez également la page Facebook du blog : www.facebook.com/ChroniqueMecanique


UN PROPHETE

Publié le 26 Avril 2010, 00:08am

Catégories : #UN PROPHETE


Un film de Jacques AUDIARD
Drame - France - Couleur - 2h29
Sortie le 26 août 2009
Ecrit par Jacques Audiard, Abdel Raouf-Dafri, Nicolas Peufaillit et Thomas Bidegain
Produit par Pascal Caucheteux, Marco Cherqui et Grégoire Sorlat
INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS

C'est avec qui ?
TAHAR RAHIM > Malik El Djebena - NIELS ARESTRUP > Cesar Luciani - ADEL BENCHERIF > Ryad - HICHEM YACOUBI > Reyeb - REDA KATEB > Jordi - JEAN-PHILIPPE RICCI > Vettorri - PIERRE LECCIA > Maître Sampierro - LEILA BEKHTI > Djamila - SLIMANE DAZI > Brahim Lattrache

De quoi ça parle ?
Malik, jeune SDF, vient d'être incarcéré à la prison centrale de Nice, où il doit purger une peine de 6 ans. Analphabète, sans le sou, ni la moindre connaissance, il vit sa première expérience derrière les barreaux. Là-bas, il tombe vite sous la coupe d'un gang de mafieux corses dirigés par Cesar Luciani, qui lui propose leur protection en échange d'un "service". Petit à petit, dans ce monde carcéral étrange et violent, Malik se fait sa place...



Et ça donne quoi ?
Jacques Audiard est-il le meilleur réalisateur français actuel ? Sans nul doute. En tout cas, au lieu de lancer le débat sur une question qui n'apporterai rien même si on trouvait un semblant de réponse, on voit mal qui, dans l'hexagone, peut se vanter de faire d'aussi bons films que le fils du plus percutants des dialoguistes français. Il le prouve une nouvelle fois avec son dernier film en date, "Un prophète", qui se révèle être une des meilleurs sorties tricolores de l'année de sa production. Dans l'exacte lignée de "Sur mes lèvres", "Un héros très discret" ou "De battre mon cœur s'est arrêté", Audiard signe encore une œuvre intelligente, apportant de nombreux points de réflexion sur nos contemporains et mettant en scène un anti-héros à un moment charnière de son existence. Ce que l'on retrouve souvent chez lui. Cette fois, c'est autour du thème de la prison, de l'enfermement, qu'Audiard fait tourner son histoire. Première expérience derrière les barreaux pour un jeune SDF analphabète qui va devoir s'endurcir et faire preuve de beaucoup d'intelligence pour y survivre et y grandir, et basculer progressivement de la petite délinquance au grand banditisme, d'abord sous l'influence de mafieux corses, ensuite de son propre chef. Ce-dernier aurait pu profiter de sa peine pour se remettre dans le droit chemin, au lieu de ça, il va s'en servir pour s'enrichir, intellectuellement et personnellement. "Un prophète" pousse même vers une petite étude sociologique, la prison étant un monde dans le Monde, sorte de petit laboratoire où sont regroupés contre leur gré, des hommes, tous différents de par leur parcours, leurs croyances et leur classe sociale, forcés de cohabiter ensemble avec leurs frustrations et leurs rancœurs, dans un univers clos et déshumanisé, marqué par la violence. Le film soulève aussi une autre question : la prison est-elle un endroit de repentance, idéal pour se réinsérer, ou justement tout son contraire ? Si Audiard n'a à aucun moment la prétention de connaître la réponse ou de dénoncer les institutions, son film, d'un réalisme accrue, à au moins le mérite de la poser. Il a surtout le mérite de nous faire vivre, pendant près de 2h30, un spectacle marquant, prenant et puissant, dont on ne décroche pas une seconde.
Dans le cadre sans âme et froid de la prison Centrale de Nice, on assiste à l'ascension d'un jeune criminel à la gueule d'ange et au bon fond, mais au caractère trempé et à l'intelligence remarquable, malgré le fait de ne savoir ni lire ni écrire. Ce-dernier est interprété avec justesse et brio par Tahar Rahim, acteur inconnu du grand public, mais plus pour très longtemps à en croire le talent d'acteur qu'a l'air d'avoir le jeune homme. Tout en subtilité, il donne de l'épaisseur aux traits fragiles de Malik, et réussit à les endurcir au fil de l'évolution de son personnage, dont on se jamais vraiment si il est complètement paumé ou en pleine réflexion. Rahim est la véritable révélation de ce long-métrage, et évolue comme un poisson dans l'eau aux côtés du charismatique et expérimenté Niels Arestrup. En vieux gangster corse craint et respecté, il apporte énormément au film, comme il l'avait déjà fait dans la précédente réalisation d'Audiard. Pendant que Malik monte sans faire de bruit, lui voit cette prison dont il ne sortira pas, rétrécir au fur et à mesure des années l'immense pouvoir dont il a toujours jouïe. Leur face-à-face oscille entre la fascination et la peur, et entre le respect et la manipulation. C'est aussi une des forces du scénario, qui est souvent une formidable étude de caractère, en plus de la critique sociale qu'il dépeint. Très documenté et collant au plus proche de la réalité (bon en même temps, je n'ai pas encore eu la chance de faire un tour par la case prison, alors, me diriez-vous, qu'est-ce que j'en sais ?), l'univers carcéral français y est décrit sans concession, comme un direct à l'estomac. Une immersion coup de poing dans un monde difficile, où toute la violence que l'on retrouve dehors (bandes, religions, lutte pour le pouvoir, embrouilles, arnaques, crimes gratuits...) se retrouvent entasser à plus petite échelle, dans un endroit fermé, face à des détenus souvent livrés à eux-mêmes. En même temps, l'histoire ne cherche pas non plus à les poser en malheureuses victimes. Parfois même onirique et poétique, "Un prophète" est un film qui, disons-le franchement, à de la gueule. A titre totalement personnel, peut-être légèrement moins que l'excellent "De battre mon cœur s'est arrêté" , mais il réussit la difficile mission de pouvoir plaire à l'exigeante profession du cinéma, ainsi qu'à un large public, allant des lascars du bitume ayant vécu des situations plus ou moins similaires, aux bourgeois-bohèmes adorant les œuvres sur les banlieues chaudes. Jacques Audiard lui, dans son style très épuré, maîtrise chacun de ses plans, soigne sa narration, filme au plus près du visage, souvent la caméra à l'épaule, d'une façon sobre et intimiste, parfois quasi-documentaire, le tout sans apporter le moindre jugement. Cela rend le tout encore plus passionnant car, malgré la longue durée, il n'y a pas de temps mort, pas d'ennui. Et la bande-son traduit parfaitement toute la charge émotionnelle et la puissance du récit.
Donc oui, "Un prophète" à tout d'un grand film, et donc Jacques Audiard, en frappant à nouveau un grand coup, et tout cela sans se la jouer, à tout d'un grand réalisateur. En France, il fait comme personne ce genre de polar dramatique et fiévreux, ce genre de film noir et profond, racontant avec autant de force des voyages au bout de l'enfer. Son cinquième long-métrage prend aux tripes et nous résonne dans la tête pendant longtemps. Personnellement, j'ai vraiment hâte de voir ce que son prochain film va donner, vu la classe de sa (courte) filmographie actuelle.



Quelques trucs à savoir sur le film pour se la péter en société
* Après un accueil dithyrambique de la part de la critique et du public, "Un prophète" à tout simplement accumulé les récompenses : entre autres, le Grand Prix du Jury du 62ème festival de Cannes, neuf Césars en 2010 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur pour Tahar Rahim, meilleur second rôle masculin pour Niels Arestrup ou encore meilleur scénario) et une nomination à l'Oscar 2010 du meilleur film étranger.

* "Un prophète" est le cinquième film réalisé par Jacques Audiard, fils du célèbre scénariste-dialoguiste Michel Audiard. Le cinéaste, qui, tout comme son père, a débuté comme scénariste (notamment pour des films comme "Mortelle randonnée" de Claude Miller, "Sac de nœuds" de Josiane Balasko ou "Grosse fatigue" de Michel Blanc), s'est ensuite lancé dans la mise en scène en 1994 en signant "Regarde les hommes tomber", avec Jean Yanne et Matthieu Kassovitz. Déjà lauréat du César du Meilleur premier film à l'époque, Jacques Audiard accumule toujours les prix lors de cette même cérémonie dès qu'un de ses films y est nominé. En effet, "Sur mes lèvres" avec Vincent Cassel a obtenu trois César en 2002 et "De battre mon cœur s'est arrêté" avec Romain Duris et Niels Arestrup, en a décroché huit en 2006. Seul "Un héros très discret", son second film, avec Albert Dupontel, n'a jamais rien remporté.

* Lors des César 2010, Tahar Rahim, 29 ans, a réalisé un doublé tout à fait historique en étant le premier acteur a remporté deux récompenses lors de cette cérémonie, puisqu'il a été auréolé à la fois du César du meilleur acteur et de celui du meilleur espoir masculin. "Un prophète" n'est pourtant que son premier rôle au cinéma, lui qui s'était fait remarqué dans "La commune", une fiction en plusieurs épisodes sur la vie dans une banlieue chaude, diffusée fin 2007 sur Canal+. Pour sa part, Niels Arestrup à lui remporté le deuxième César du meilleur second rôle masculin de sa carrière, après celui glaner pour son interprétation dans "De battre mon cœur s'est arrêté", déjà réalisé par Jacques Audiard.

* Abdel Raouf Dafri, l'un des co-scénaristes du film, est considéré comme un des meilleurs scénaristes français à l'heure actuelle. Pourtant la reconnaissance s'est longtemps fait attendre. C'est en 2007, alors âgé de 43 ans, qu'il s'est fait connaître en écrivant l'histoire de la série de Canal+ "La commune", lui qui était au RMI à cette époque ! Ce fils d'immigrés algériens enchaîne juste derrière en signant les scénarios des deux films réalisés par Jean-François Richet sur la vie de Jacques Mesrine, "L'instinct de mort" et "L'ennemi public", d'après le récit autobiographique du gangster. Pour "Un prophète", il a obtenu la première récompense de sa carrière, avec le César du meilleur scénario, remporté en compagnie de ses trois autres compères d'écriture pour le coup, dont Jacques Audiard.

* Quasiment tout les figurants et petits rôles du film sont des anciens taulards, c'était là l'un des souhaits les plus importants du metteur en scène, afin que leur comportement paraisse totalement naturel dans un milieu carcéral. Ainsi, Audiard voulait donner beaucoup plus de réalisme à son film.

* Jacques Audiard et Tahar Rahim se sont rencontrés pour parler du film la première fois... à l'arrière d'une voiture ! Le jeune comédien avait postulé pour interpréter Malik et le cinéaste souhaitait le rencontrer avant de lui faire passer des auditions. C'est d'ailleurs le premier acteur qu'a rencontré Audiard pour le rôle, il en a ensuite auditionner d'autres, puis et finalement revenu sur son premier choix. A l'occasion d'une interview pour la sortie du film, le réalisateur à d'ailleurs déclaré qu'il voulait absolument donner le rôle principal à un acteur encore inconnu, un talent pas encore découvert.

* La sortie du film a soulevé un petit début de polémique en Corse. Un groupe de nationalistes corses, "Corsica Libera" (Corse libre), s'est élevé contre "Un prophète", disant que celui-ci avait "un caractère raciste" et qu'il "entretenait la confusion entre corses et voyous". Même le député UMP de la Haute-Corse a pris position contre le film de Jacques Audiard en déclarant qu'il "véhiculait une mauvaise image des corses, les faisant encore passer pour des mafieux". Mais finalement, ces quelques déclarations n'ont pas été plus loin.




 


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R
Du nectar....Ce blog est un réel régal pour les yeux et la pensée!<br /> Le lire est un véritable plaisir!<br /> Une écriture soignée et juste...<br /> Je suis tout simplement accro à ce blog maintenant!<br /> Gloire à Soldat Guignol!!!! ;-)
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